Dans certaines parties du monde, posséder une terre est la clé d’une sécurité alimentaire durable et l’assurance de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Mais avec un accès interdit aux femmes, soit le 50% de la population, les revenus sont maigres et les familles peinent à joindre les deux bouts. Un projet d’accès à la terre pour les femmes en Guinée-Bissau vise à rétablir cet équilibre et améliorer la diversification agricole des familles.
En bref
But
Les objectifs du projet sont de parvenir à un approvisionnement alimentaire sûr pour la population cible grâce à l’amélioration durable de la production agroécologique, la sauvegarde des droits de propriété foncière pour les femmes paysannes et le renforcement institutionnel des associations de femmes.
Ce projet est cofinancé par les contributions programmes de la DDC.
Ce projet s’est terminé en 2022. Découvrez ses succès ici.
En Guinée-Bissau, la pauvreté est particulièrement prononcée dans les zones rurales. 60% des habitants des régions d’Oio, Bafatá et Bissau vivent avec moins de 1,90 USD par jour. L’agriculture de subsistance est la principale source de survie, et les alternatives de revenus sont rares. Les changements climatiques, tels que le prolongement des saisons sèches et les fortes précipitations, mais aussi la surexploitation des sols et l’érosion, entraînent des pertes de récoltes et mettent de plus en plus en péril la sécurité alimentaire des familles.
Une inégalité qui touche tout le monde
La situation est particulièrement critique car, souvent, les femmes ne peuvent cultiver, faute d’avoir leur propre champ. N’ayant pas le droit de posséder une terre, ni par mariage, ni par héritage ni même par achat, elles sont souvent impuissantes. Les revenus reposent sur leur mari. «Gagner de l’argent était la chose la plus difficile pour nous. Je cultivais le mil et ma femme m’aidait. Mais nous n’avions qu’une petite parcelle et pas les moyens financiers de l’agrandir. Ma femme qui voulait cultiver des légumes ne pouvait pas le faire», explique Tore J. Mbunde, âgé de 45 ans et père de 9 enfants.
Pour lutter contre la menace de faim à laquelle les habitants sont sans cesse confrontés, SWISSAID a lancé un projet d’«Accès à la terre pour les femmes». Isabela Inbali, paysanne dans la région d’Oio, fait partie du projet depuis son lancement. Alors qu’elle cherchait un moyen de s’en sortir financièrement avec 5 enfants, elle a demandé à son père de lui prêter un lopin de terre pour faire du maraîchage. Malgré le succès de ses cultures d’aubergines et d’oignons, l’instabilité de sa situation la maintenait dans la précarité. Elle n’était pas la seule dans ce cas-là; toutes les femmes du village se plaignaient de cette situation. «Nous nous sommes décidées à nous organiser en groupement afin de mettre en commun nos semences et trouver du terrain» explique-t-elle.
«Gagner de l’argent était la chose la plus difficile pour nous. Je cultivais le mil et ma femme m’aidait. Mais nous n’avions qu’une petite parcelle et pas les moyens financiers de l’agrandir. Ma femme qui voulait cultiver des légumes ne pouvait pas le faire.»
Tore J. Mbunde, âgé de 45 ans et père de 9 enfants.
Renforcer le plaidoyer et la confiance en soi
Le projet les a accompagnées, elles et 18 autres associations paysannes, dans la légalisation de 38 hectares de terres agricoles. Pour cela, un long travail de sensibilisation a été réalisé auprès des communautés et des autorités. «Le projet a fait du plaidoyer et de la sensibilisation auprès de nos chefs coutumiers, ce qui a facilité leur prise de décision pour nous attribuer un terrain au nom de notre groupement», explique Isabela. Le projet a également mis en place une plateforme nationale des femmes: «Plataforma Politica da Mulheres». Cette dernière représente les intérêts des droits fonciers des femmes au niveau national et a pour but de systématiser l’accès à la terre pour les femmes. «Cela nous aide à comprendre nos droits et a permis aussi aux hommes de comprendre que nous, les femmes, avons aussi droit à la terre», continue-t-elle.
Isabela Inbali, paysanne dans la région d’Oio, fait partie du projet depuis son lancement. Avec les femmes du village, elles se sont organisées en groupement et ont demandé le soutien de SWISSAID pour obtenir un moulin mécanique.
Tore J. Mbunde atteste des changements positifs que toute la famille a ressenti lorsque sa femme a obtenu sa terre. «Auparavant, nous avions un petit champ que je cultivais. Nous n’avions que ce champ pour nourrir toute la famille, et aucune ressource extérieure pour gagner de l’argent. Lorsque ma femme et son groupement ont obtenu une terre, elle a pu réaliser son rêve de faire du maraîchage. C’est un grand plus pour la famille.» Très vite, la famille a obtenu un revenu supplémentaire avec le surplus de légumes cultivés par sa femme qu’elle a pu vendre au marché. «Avec cet argent ma femme achète des denrées alimentaires pour la famille, ainsi que du matériel scolaire (livres, cahiers, stylos, crayons) et des habits pour les enfants.»
Le projet a également vu émerger une conséquence collatérale à ces changements: l’amélioration de la confiance en soit chez les femmes. Salimato Balde, paysanne de 32 ans, confie qu’elle a désormais une position sociale plus forte au sein de la communauté. «Le projet a apporté un changement de mentalité chez nous, les femmes. Nous avons plus confiance en nous!» ajoute Isabela, souriante au milieu de son champ verdoyant.
Le projet est terminé!
Ce dernier a permis à 2033 paysannes organisées en 19 associations locales dans 19 villages à améliorer leur sécurtié alimentaire grâce à un accès à la terre et à l’eau potable. En détail:
Droits fonciers
– 10 associations paysannes non officielles ont été légalisées. 19 associations sont officiellement reconnues.
– 23 hectares de terres arables ont été officiellement légués à 743 paysannes et à leurs associations.
– 2033 femmes et 800 hommes ont été touchés par des campagnes d’information sur les droits fonciers des femmes.
Irrigation et semences
– Deux systèmes d’irrigation à énergie solaire ont été installés sur les terres arables légalisées et sont en service.
– 10 puits ont été rénovés. L’eau est pompée par poulie. 66 membres des clubs ont été formés à l’entretien des infrastructures.
– Pour 1685 paysannes, le temps nécessaire pour irriguer les champs a été réduit d’environ 35%.
– 156 paysannes ont reçues de semences locales.
Témoignage
Isabelle Inbali, 43 ans: “Avant, chacun d’entre nous devait aller chercher lui-même l’eau pour les champs. C’est un travail très dur. Par manque de force, nous parvenions rarement à irriguer tout le champ. Avec la pompe solaire, le travail acharné est terminé. Nous produisons maintenant tellement de légumes que j’en ai assez pour ma famille. Chaque matin, je prépare un repas pour mes enfants afin qu’ils n’aient plus à aller à l’école le ventre vide. Je sèche même certains légumes comme les tomates, le gombo ou l’oseille. J’en vends la plupart sur le marché. Le projet SWISSAID a changé beaucoup de choses, dans les foyers mais aussi dans le village, où les préoccupations des femmes sont mieux comprises. Il est beaucoup plus facile aujourd’hui de parler à nos autorités de l’acquisition de terres et des autres préoccupations des femmes. Merci, SWISSAID!”