L’année en cours a montré à quel point ce secteur est exposé à la corruption. Quatre des sept plus grandes sociétés suisses – toutes actives dans le négoce de matières premières – ont été ou sont actuellement visées par la justice. Gunvor a été condamnée pour des faits de corruption, les bureaux genevois de Trafigura et de Vitol ont été perquisitionnés, et Glencore fait actuellement l’objet d’une procédure pénale de l’agence britannique anti-corruption Serious Fraud Office (SFO).
Au vu des nombreux scandales, il est incompréhensible que le Parlement ne consente pas, dans le cadre de la réforme du droit des sociétés anonymes, à contraindre immédiatement les négociants à davantage de transparence. La divulgation des paiements aux gouvernements est un moyen efficace pour lutter contre la corruption. Elle diminue le risque que les revenus tirés de l’extraction et de la vente de matières premières ne finissent dans les poches de potentats ou de fonctionnaires corrompus, en donnant la possibilité aux populations des pays producteurs d’exiger des comptes. SWISSAID et Public Eye critiquent le manque de volonté du monde politique suisse de faire face à ce problème.
La décision d’aujourd’hui contraint une poignée de sociétés à plus de transparence, mais seulement celles actives dans l’extraction des matières premières, exemptant ainsi l’écrasante majorité des traders présents en Suisse. Le Conseil national a toutefois corrigé une ancienne décision absurde, laissant la porte ouverte à des progrès. La norme dite de délégation adoptée aujourd’hui permettra en effet au Conseil fédéral de soumettre aussi les négociants de matières premières aux dispositions sur la transparence dès que d’autres pays le feront. Or le moment est déjà venu: dans le cadre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et de l’OCDE, la divulgation des montants liés à l’achat ou à la vente de matières premières est au cœur des débats. Les États-Unis, tout comme l’Union européenne, examineront et réviseront en 2020 leurs réglementations sur la transparence. La Suisse doit maintenant s’engager pour que «l’approche coordonnée au niveau international», qu’elle appelle de ses vœux, soit effectivement réalisée. Soumettre les négociants à ce devoir de transparence permettrait de lutter contre les pratiques illégitimes ou illégales que l’opacité favorise, afin que les populations des pays producteurs profitent aussi des richesses de leurs sous-sols.
Complément d’information
- Géraldine Viret, responsable médias, Public Eye, 021 620 03 05, geraldine.viret@publiceye.ch