La société civile a connu un grand succès contre la monopolisation du vivant. Il y a quelques jours, Syngenta a retiré un brevet sur une tomate et toutes les revendications connexes. Dans le brevet accordé, Syngenta revendiquait un droit sur des tomates à haute teneur en flavonols, composés censés être bénéfiques pour la santé. L’« invention » consistait cependant uniquement à croiser des tomates provenant d’Amérique latine, leur région d’origine, avec des variétés commerciales disponibles ici. En mai 2016, 65 000 personnes de 59 pays et 32 organisations ont officiellement déposé un recours contre cette décision – le plus important de l’histoire de l’Office européen des brevets (OEB). En Suisse, la campagne a été coordonnée par ProSpecieRara, Public Eye et SWISSAID. L’audition prévue pour le 26 mars 2019 devant la division d’opposition de l’OEB n’aura donc pas lieu.
Ces dernières années, l’OEB a délivré environ 200 brevets sur des plantes telles que la tomate, le brocoli, le poivron et la laitue issues de méthodes de sélection conventionnelle, sans recourir au génie génétique. Suite aux protestations d’une coalition d’ONGs, d’agriculteurs et de petits semenciers, les 38 États contractants de la Convention sur le brevet européen (CBE), dont la Suisse, ont interdit les brevets sur les plantes issues de la sélection conventionnelle par une décision historique en juin 2017 en adaptant l’ordonnance d’exécution de la Convention sur le brevet européen. Au grand dam de Syngenta. Dans le cadre d’une procédure de recours en décembre dernier, la multinationale a fait valoir que cette nouvelle règle était contraire à la Convention sur le brevet européen et que les brevets sur les plantes conventionnelles devraient donc toujours être autorisés. La chambre des recours a donné raison à Syngenta. Le chaos juridique règne donc.
Sous la houlette du réseau « No Patents on Seeds ! », plus de 40 organisations, dont ProSpecieRara, Public Eye et SWISSAID, demandent au président de l’Office européen des brevets (OEB), António Campinos, de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, toutes les procédures concernant des brevets sur des plantes et des animaux issus de méthodes de sélection conventionnelle. Ce moratoire vise à laisser aux Etats contractants de la CBE suffisamment de temps pour définir un cadre juridique adéquat à l’interdiction des brevets sur les plantes issues de sélection conventionnelle convenue en juin 2017. Le temps presse, car un autre recours d’ONG suisses contre un poivron Syngenta sera traité le 7 mars déjà.