Fruit d’un intense travail de récolte de données et d’échanges avec les acteurs du secteur, le nouveau rapport de SWISSAID « De l’ombre à la lumière » révèle la quasi-totalité des relations d’affaires existantes ou ayant existé entre 116 mines d’or industrielles africaines et seize raffineries à travers le monde, sur une période s’étendant de 2015 à 2023. Constat : 79% de ces rapports commerciaux concernent des raffineries situées en Suisse, en Afrique du Sud et, dans une moindre mesure, en Inde. Cela suggère que l’or industriel africain est principalement raffiné dans ces trois pays. Dans les détails, 96 des 142 relations répertoriées concernent la raffinerie sud-africaine Rand Refinery, la raffinerie suisse Metalor, et les deux raffineries de MKS PAMP Group basé en Suisse et en Inde.

Par le passé, et sous couvert du secret commercial, les raffineries ont toujours refusé de divulguer l’identité de leurs fournisseurs. Il aura fallu que SWISSAID obtienne ces informations par le biais d’autres sources et y confronte les raffineries pour que quelques-unes acceptent de sortir de leur mutisme. Reste que la majorité d’entre elles ont été peu enclines à la transparence. Six ont confirmé les noms des mines industrielles africaines auprès desquelles elles s’approvisionnent ou s’approvisionnaient durant la période de référence, tandis que dix ont refusé de le faire, s’appuyant sur des arguments de confidentialité ou de concurrence. Une opacité qui laisse songeur sachant que ces informations sont divulguées par la plupart des compagnies minières partenaires ou figurent déjà dans le domaine public. « Ce rapport met certes en lumière les différentes pratiques de transparence des raffineries, mais il prouve surtout que la culture du secret entretenue par certaines raffineries n’a pas lieu d’être », résume Yvan Schulz, chargé de projet matières premières et approvisionnement responsable chez SWISSAID et coauteur de l’étude.

Multiples problèmes

Pourtant, sans transparence, impossible d’améliorer la situation des travailleurs-euses et des populations locales qui vivent aux abords des mines. Et le défi est colossal. Dans le cadre de cette recherche, SWISSAID a recensé des problèmes graves dans la majorité des 125 mines industrielles répertoriées. Ces cas ont été identifiés dans des rapports d’organisations de la société civile, des rapports d’organisations internationales, des enquêtes journalistiques ainsi que des études scientifiques, et témoignent de violations des droits humains, de dégradations environnementales, d’expropriations, d’atteintes à la santé, de violence et de corruption. En définitive, les communautés locales ne profitent guère des revenus générés par leurs sous-sols.

Agir

Au terme de la recherche, SWISSAID dresse une liste de recommandations à différents acteurs. Elle réclame notamment que les législations nationales et les standards de l’industrie contraignent les raffineries à divulguer les noms de toutes les mines auprès desquelles elles s’approvisionnent. Une recommandation s’adresse aux autorités suisses et concerne la Loi sur le contrôle des métaux précieux qui doit être débattue cette année au Parlement. « Cette loi doit être alignée sur le guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque. Concrètement, cela signifie que les raffineries présentes en Suisse doivent être soumises à un devoir de diligence obligatoire en termes de respect des droits humains et de l’environnement. Il ne doit plus être possible d’importer impunément de l’or sale en Suisse », réclame Marc Ummel, responsable du dossier des matières premières chez SWISSAID et coauteur de l’étude.

Quelques chiffres :

  • L’or industriel représente 80% de la production mondiale d’or minier, le solde étant extrait de mines artisanales ou à petite échelle.
  • La Suisse importe chaque année plus de la moitié de l’or mondial.
  • Quatre des neuf plus grandes raffineries d’or du monde se trouvent en Suisse.
  • En 2020, les cinq raffineries suisses LBMA ont importé plus de 177 tonnes d’or, d’une valeur commerciale de 9 milliards de francs suisses, en provenance de mines industrielles africaines.
Lire l'étude "De l'ombre à la lumière"