Le 29 février, le Conseil des États procédera à l’élimination des divergences concernant la révision de la loi sur le CO2. Le Conseil fédéral et le Parlement ont manqué l’occasion d’introduire enfin dans le projet de loi des mesures efficaces de réduction des émissions à l’intérieur du pays. Au lieu de cela, la Suisse devra acheter chaque année davantage de certificats de compensation d’émissions de CO2 à l’étranger pour pouvoir respecter ses objectifs climatiques sur le papier. Le Conseil des États doit remédier à cette situation en fixant à 75% la part de l’objectif climatique à réaliser en Suisse.

Une contradiction majeure avec l’objectif de zéro émission nette d'ici 2050

La Suisse a fixé dans la loi l’objectif d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050. Et elle attend la même chose de la communauté mondiale, comme elle le réaffirme chaque année lors de la conférence internationale sur le climat (COP). Cela implique que d’ici 2050, il n’y aura plus d’échange international de certificats d’émission de CO2 issus de réductions d’émissions, car tous les pays devront les comptabiliser eux-mêmes pour atteindre le zéro net. Plus on compense aujourd’hui à l’étranger, plus vite il faudra réduire les émissions en Suisse par la suite — une stratégie d’éviction néfaste du Conseil fédéral et du Parlement.

Les certificats de CO2 ne garantissent pas une efficacité climatique équivalente

Comme le montrent plusieurs recherches d’Alliance Sud, d’Action de Carême, de Caritas et de professionnels des médias, les avantages climatiques de nombreux projets de compensation suisses sont très incertains et leur effet ne peut tout simplement pas être garanti. De plus, il s’avère qu’il est déjà difficile de développer suffisamment de projets dans le calendrier serré d’ici 2030. Prévoir des certificats d’émission de CO2 en quantités encore plus grandes pour remplacer les réductions nationales est par conséquent particulièrement irresponsable.

Les pays riches doivent réduire plus rapidement leurs émissions

La Suisse dispose des meilleures conditions techniques et financières pour réduire le plus rapidement possible ses émissions sur son territoire. Le refus politique de le faire et de miser à la place sur des changements de comportement dans les pays pauvres n’est pas digne de la Suisse et s’oppose de manière flagrante à la justice climatique.

Le financement de la Suisse dans le domaine du climat est insuffisant

La Suisse devrait assurément promouvoir des projets de protection du climat à l’étranger. Pas pour retarder ses propres réductions d’émissions, mais pour apporter une véritable contribution à la transition équitable dans le Sud mondial, en complément de la réduction en Suisse. La contribution helvétique au financement international dans le domaine du climat devra augmenter dans de fortes proportions après la prochaine conférence sur le climat. Il ne s’agit pas seulement de réduire les émissions, mais aussi de s’adapter au réchauffement climatique dans les régions dont la population est particulièrement touchée.

Le financement de millions de certificats d’émission de CO2 reste flou

La frénésie d’économies dans le budget fédéral est déjà très concrète. Pourtant, une partie considérable des compensations prévues à l’étranger doit encore être achetée par la Confédération. Selon le message relatif à la révision de la loi sur le CO2, ces achats coûteront entre 90 millions et 2,2 milliards de francs d’ici 2030, selon le prix et la quantité nécessaire — un poste de budget qui n’apparaît encore nulle part.

Le bilan d’Alliance Sud, le centre de compétences pour la coopération internationale et la politique de développement, est sans appel. Selon l’experte climatique Delia Berner, « la politique climatique suisse s’est embourbée dans la compensation à l’étranger. Tant dans son propre intérêt que dans celui de la justice climatique, la Suisse ne doit pas gaspiller le peu de temps qui lui reste : elle doit réduire ses propres émissions de CO2 conformément à la loi sur la protection du climat. Et notre pays doit cofinancer séparément les projets climatiques à l’étranger. »

Pour de plus amples informations :
Alliance Sud, Delia Berner, experte en politique climatique internationale, tél. 077 432 57 46, delia.berner@alliancesud.ch