Le secrétariat des affaires fiscales de l’Organisation de coopération et de développement écono­miques (OCDE) a informé aujourd’hui sur l’état des négociations entre 134 pays sur de nouvelles règles mondiales en matière d’imposition des multinationales.

La proposition de réforme comprend fort heureusement l’introduction d’une clé de répartition des bénéfices des multinationales entre les pays. L’OCDE propose également d’introduire un taux d’im­position minimum global. Il s’agit là de mesures à priori bienvenues en vue d’une plus grande justice fiscale au niveau mondial. Les pays pauvres ne pourraient toutefois pas en bénéficier sous cette forme: l’une des raisons en est que les nouvelles règles ne sont pas un remède contre les pratiques commerciales préjudiciables au développement de l’industrie des matières premières. Or c’est juste­ment cette industrie qui, dans les pays pauvres du Sud, compte parmi les pires fraudeurs du fisc. La clé de répartition est de surcroît limitée à une très faible proportion des bénéfices totaux, ce qui signifie qu’elle ne profite qu’aux grands marchés.

Dans le système actuel, les multinationales ne sont pas obligées d’imposer leurs bénéfices là où ils sont générés. Elles peuvent les transférer là où ils sont le moins imposés, en Suisse y compris. Les pays en développement perdent de cette manière des centaines de milliards de dollars chaque année. Selon les derniers calculs de l’organisation «Economists without borders» sous la houlette du profes­seur Gabriel Zucman de Berkeley, 28% des recettes suisses de l’imposition fiscale des multinationales proviennent de transferts de bénéfices. La proposition de réforme actuelle de l’OCDE ne changera guère la donne. Elle va néanmoins encore trop loin pour le Conseil fédéral: il entend empêcher com­plètement la mise en place d’un taux d’imposition minimum global ou le fixer très en dessous de la moyenne mondiale actuelle. Celle-ci est légèrement inférieure à 25%.

Dominik Gross, spécialiste de la politique fiscale auprès d’Alliance Sud: «Les collectivités publiques du monde entier souffrent de l’évasion fiscale des multinationales. Le Conseil fédéral doit s’engager sur la scène internationale pour promouvoir des règles mondiales judicieuses en termes de politique de développement, ainsi que pour renforcer le service public en Suisse et donc également la place économique helvétique». Rien de contradictoire là-dedans: l’introduction d’un taux d’imposition mini­mum mondial à un niveau adéquat mettrait fin à la spirale descendante des taux d’imposition des multinationales à l’échelle du globe et permettrait ainsi de garantir des recettes fiscales en Suisse et de renforcer le service public. Une clé de répartition pour l’ensemble des bénéfices des multinatio­nales, prenant en compte le facteur travail en plus du chiffre d’affaires, permettrait aussi de garantir que les bénéfices soient imposés là où ils sont effectivement générés.

Complément d’information

  • Dominik Gross, spécialiste de la politique fiscale auprès d’Alliance Sud, Tél. +41 78 838 40 79, E-mail : dominik.gross@alliancesud.ch