Il y a 20 ans, la société civile révélait au monde un brevet américain sur ce qui est devenu la “technologie Terminator” – des semences génétiquement modifiées (GM) pour ne pas germer. Autrement dit, l’ingénierie génétique au service de la stérilisation du vivant. La société civile s’était clairement opposée à une telle pratique y compris les organismes des Nations Unies. Terminator a ainsi été placé sous moratoire mondial en vertu de la Convention sur la diversité biologique (CBD) de l’ONU en 2000.

Les discussions qui se sont tenues, ces derniers jours, lors de la 14e Conférence des parties (COP14) de la Convention sur la diversité biologique, portent sur une technologie génétique encore plus puissante, le forçage génétique (FG) ou « gene drive » en anglais. Le FG est une forme extrême de génie génétique qui relève de la biologie synthétique et qui permet de contourner les lois de l’hérédité biologique. Il permet à une modification génétique d’être imposée à l’ensemble de la descendance d’une espèce se reproduisant de manière sexuée. Il modifie ainsi génétiquement des populations entières d’organismes. « Si, avec les OGM classiques, la dispersion des gènes modifiés devait être évitée et pouvait intervenir par accident, avec ces nouveaux organismes génétiquement forcés, la dispersion devient la stratégie recherchée», explique Luigi D’Andrea, secrétaire de l’Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique.

Le forçage génétique a pour vocation d’anéantir certaines espèces « indésirables » en propageant des « gènes de stérilité ». Eradiquer pour contrôler. Par exemple, une espèce de moustique qui transmet une maladie, un ravageur de culture ou une espèce envahissante seraient rendus stériles. « Il s’agit donc là d’une technologie de l’extinction génétique pour laquelle il n’existe aucune donnée scientifique qui permettent d’en quantifier le risque ni de données qui permettent d’en établir l’efficacité réelle », conclut Luigi d’Andrea.

Le consentement des communautés locales devient déterminant
Il faut espérer que les gouvernements et les Parties s’en tiendront à la décision de la Convention qui demande d’obtenir le consentement préalable, donné librement en connaissance de cause, des peuples autochtones et des communautés concernées par la dissémination. Car selon Judith Reusser, experte en génie génétique pour SWISSAID, les pratiques sur le terrain ont jusqu’à présent été bien différentes. En effet, le principal promoteur de cette nouvelle technologie présent à la COP 14 en Egypte est le Target Malaria project, un consortium d’instituts de recherche financés entre autres par la Fondation Bill et Melinda Gates à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs.

Au Burkina Faso, Target Malaria a reçu en août 2018 l’autorisation de disséminer 10 000 moustiques génétiquement modifiés dans deux villages. Bien qu’ils n’aient pas encore été modifiés par forçage génétique, ils représentent la première étape vers une dissémination de ce genre. « Les populations locales de la région sont inquiètes. Les informations tombent au compte-gouttes et les gens ont peur de parler », précise Judith Reusser.

Complément d’information

  • Luigi D’Andrea, Secrétaire exécutif de l’Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique (StopOGM) ; tél. 077 400 70 43, l.dandrea@stopogm.ch