Après le refus du Conseil national en juin 2018, c’est au tour de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats de s’opposer à intégrer une norme de transparence pour l’achat et la vente de matières premières. Cette décision, prise dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme, s’aligne sur le projet du Conseil fédéral. Visant à intégrer une disposition sur la transparence pour les sociétés actives dans l’extraction des matières premières, le projet exclut les activités de négoce. Or, ce nouvel article du code des obligations est largement inefficace étant donné qu’il touche seulement 4 des 544 sociétés du secteur suisse des matières premières.
Les pays riches en ressources naturelles vont continuer à percevoir des milliards de la part des sociétés de négoce suisses dans la plus grande opacité et la population de ces pays ne pourra pas vérifier si les sommes versées alimentent les caisses publiques ou sont détournées à des fins privés. La publication des sommes versées par les négociants aux gouvernements permettrait de rendre les Etats redevables envers leurs citoyens et de lutter contre la corruption et le détournement d’argent. Selon une étude du McKinsey Global Institute, si les populations des pays producteurs de ressources naturelles bénéficiaient de la rente des matières premières, plus de 540 millions de personnes pourraient sortir de la pauvreté. La transparence du négoce constitue ainsi un premier élément très important pour lutter contre la malédiction des matières premières.
Déresponsabilisation de la principale plateforme de négoce international
L’instauration d’une norme de délégation signifie qu’aucune mesure ne sera prise en Suisse sur la transparence du négoce tant qu’un autre pays n’aura pas de législation dans ce domaine. Cette norme vise donc tout simplement à renvoyer la balle aux autres pays alors que la Suisse constitue la principale plateforme du négoce international avec plus d’un tiers des matières premières mondiales négociées sur le sol helvétique. La Suisse reconnaît sur le papier sa « responsabilité particulière » dans le secteur du négoce des matières premières, mais, dans la pratique, peine à prendre ses responsabilités. Vu son rôle prépondérant dans ce domaine, elle se doit pourtant d’être exemplaire et d’adapter sa législation en conséquence.
Il appartient désormais au Conseil des Etats de prendre conscience de l’importance des enjeux et de refuser d’adopter une régulation placebo en lieu et place d’une véritable disposition sur la transparence du négoce.