Un moratoire sur les organismes génétiquement forcés est impératif afin de protéger la biodiversité et de mettre enfin l’agriculture sur une voie écologique. La crise du coronavirus le montre une fois encore: notre système de production et de distribution alimentaire n’est pas résilient. Il est temps de changer de paradigme.
La réglementation sur la biologie synthétique, et de ce fait la technologie du forçage génétique, sera également débattue sur le plan international cette année et l’année prochaine lors de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et dans le cadre de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Les réglementations internationales qui s’appliquent actuellement aux Organismes génétiquement modifiés (OGM) touchent à leurs limites s’agissant du forçage génétique, («Gene drive» en anglais) et doivent absolument être adaptées. En raison des nombreuses questions en suspens, le Parlement européen s’est déjà prononcé en faveur d’un moratoire mondial sur la dissémination dans la nature d’organismes génétiquement forcés. Une position que soutiennent plus de 200 organisations à travers le monde. La Suisse doit maintenant rejoindre le mouvement: elle peut jouer un rôle décisif en montrant la voie dans la réglementation internationale sur le forçage génétique lors de la Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique, la COP 15.
Réunies au sein d’une importante coalition composée d’organisations de la société civile, SWISSAID et l’Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique (SAG et ASGG) demandent au Conseil fédéral de s’engager en faveur d’un moratoire sur le forçage génétique visant à protéger la biodiversité et renforcer ainsi le principe de précaution.
Le forçage génétique: destructeur et incontrôlable
A ce jour, le forçage génétique est l’utilisation la plus dangereuse des nouvelles technologies génétiques car il permet de contourner les lois de l’hérédité biologique. La réaction génétique en chaîne, qui utilise les ciseaux moléculaires CRISPR/Cas, a été développée pour modifier génétiquement des populations naturelles. Son application n’est délibérément pas limitée au laboratoire ou aux cultures; si avec les OGM classiques la dissémination incontrôlée devait être évitée, avec le forçage génétique la dissémination devient la stratégie recherchée afin de modifier des espèces sauvages pour éradiquer. Éradiquer pour contrôler.
Les forçages génétiques sont invasifs et agissent de manière irréversible bien que leur efficacité soit discutable et non vérifiée. Les risques de cette technologie pour l’homme et l’environnement sont à ce jour largement méconnus et difficilement quantifiables. Vu leur radicalité et leur important rayon d’action, les conséquences de leur dissémination pourraient être dévastatrices pour la biodiversité.
Des affaires prometteuses pour les multinationales de l’agroalimentaire – un danger pour l’humanité
Les multinationales de l’agroalimentaire espèrent que cette technologie créera un nouveau secteur commercial. Les risques ont ainsi tendance à être minimisés et une stricte évaluation des dangers rejetée. Même l’institut de recherche Agroscope semble suivre cette tendance, comme en atteste un communiqué de presse récemment publié dans lequel les risques potentiels étaient négligés. Ceci alors même que la publication scientifique sur laquelle se base le communiqué statue clairement que les effets environnementaux liés à l’application du forçage génétique pourraient être bien plus sévères que ceux liés à d’autres technologies.
Partout sur la planète, la biodiversité ne cesse de diminuer depuis des années. En cause notamment: la production industrielle de denrées alimentaires, très largement répandue, qui exploite les écosystèmes et détruit les milieux naturels. Cette économie de pillage met en danger l’humanité et favorise la propagation de graves pandémies. La communauté internationale en prend actuellement conscience avec le coronavirus. La Suisse ne doit pas encourager une technologie qui s’appuie sur un modèle d’agriculture dépassé.
Mieux comprendre le forçage génétique en moins de 2 minutes:
Plus d'informations
- Luigi D’Andrea, Secrétaire exécutif de l’Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique (ASGG) ; tél. 077 400 70 43, l.dandrea@stopogm.ch
- Communication d’Agroscope sur le sujet