Après le scandale planétaire des Panama Papers, la déclaration commune publiée aujourd’hui en conclusion du sommet de Londres se devait d’être ambitieuse. Désormais, la légitimité des sociétés destinées en premier lieu à cacher l’identité de leurs propriétaires appartient au passé. Pour la première fois dans un tel sommet, la publicité des ayants droit économiques des sociétés est définie comme une mesure cardinale pour lutter contre la corruption. Les dirigeants affirment aussi leur volonté de lutter contre l’évasion fiscale et de punir ceux qui la facilitent. Si cette déclaration reste à transcrire en actes, elle reconnait l’insuffisance des dispositifs légaux actuels ainsi que la nécessité de les étendre pour lutter efficacement contre la corruption.

Alors que les Panama Papers ont montré le rôle problématique de la Suisse dans les schémas de corruption et d’évasion fiscale, les autorités helvétiques reportent principalement la responsabilité sur les pays du Sud. Elles se contentent de souligner que la Confédération a déjà mis ses lois en conformité avec les standards internationaux. Concernant les ayants droits économiques, elles affirment vouloir échanger des informations avec les autorités étrangères, mais uniquement «au cas par cas», et ne disent rien de l’accès public à de telles données. Les autorités helvétiques se bornent par ailleurs à évoquer la mise en œuvre, au 1er janvier 2016, des standards du GAFI, laissant entendre ainsi que rien de plus ne sera entrepris. La déclaration de la Suisse ne mentionne aucune mesure destinée à limiter les activités des personnes offrant des montages facilitant l’évasion fiscale. Plutôt que d’être à l’avant-garde du mouvement international de lutte contre la corruption et l’évasion fiscale, la Suisse officielle préfère traîner les pieds et attendre que les évolutions l’obligent à adopter des mesures qu’elle espère aussi peu invasives que possible.

Sur un point toutefois, les autorités suisses s’engagent au-delà de la déclaration commune: avec leurs homologues britanniques et la Commission européenne notamment, elles mentionnent vouloir «explorer» la possibilité de développer une norme étendant la transparence des paiements aux opérations commerciales réalisées avec des entités publiques actives dans le secteur des matières premières. Si un tel standard était adopté, les négociants suisses devraient publier les montants qu’ils versent aux gouvernements des pays riches en ressources naturelles pour l’achat de pétrole ou de minerais. Ces sommes sont énormes: selon une étude réalisée par Swissaid, NRGI et la DB en 2014, les montants versés par les négociants helvétiques aux dix gouvernements des principaux pays producteurs de pétrole d’Afrique sub-saharienne entre 2011 et 2013 correspondent annuellement à 12% de leurs recettes budgétaires et au double du montant de l’aide publique au développement qui leur a été accordée. Sur la question essentielle de la transparence des paiements, la Suisse assumera-t-elle enfin sa responsabilité en tant que première place mondiale du négoce, en inscrivant ce devoir dans la loi? La réforme actuelle du droit des sociétés en offre l’occasion.

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