«Nous nous sommes rendus dans des villages et avons trouvé une situation catastrophique. Certains villages avaient été envahis par les eaux, d’autres n’avaient pas vu de pluies depuis des mois. C’était une évidence qu’avant les prochaines précipitations, il faudrait donner des semences aux paysan-ne-s», se souvient Issoufou Abdou Djibo, chargé de projet SWISSAID Niger, à propos des conditions de la région du sud-ouest du Niger en fin 2021. Cela fera bientôt un an que le Niger a tiré la sonnette d’alarme à la suite de conditions météorologiques catastrophiques, qui ont mis à mal les récoltes d’une année entière et menacé des millions de personnes de faim.
Tout commence dans le sol
Si les colis ont permis de parer à l’urgence, le nerf de la guerre, dans ces régions rurales où 80% de la population vit de l’agriculture, réside dans les semences. Et pas n’importe quelles semences. «Nous avons besoin désormais de semences résistantes, car la pluie ne suit plus le même rythme qu’auparavant. Il faut des semences qui font des cycles courts de 80 à 115 jours. Et il faut que tout le monde s’y mette», explique Hamadou Sabo, chef de canton et producteur agricole.
Car la crise climatique oblige les paysan-ne-s à s’adapter. Mais pour que «tout le monde s’y mette», il faut rendre accessible – financièrement aussi bien que géographiquement – des semences de qualité résistantes au climat. Ou selon les mots du ministre de l’agriculture rencontré par SWISSAID Niger, «la promotion du système semencier de qualité ne doit pas s’arrêter à la production, mais doit aller jusqu’à la distribution. Il faut nécessairement créer des circuits de distributions privés pour les paysannes et paysans.»
Des semences résistantes au climat
Foires aux semences
Pour ce faire, SWISSAID Niger a organisé des foires aux semences, auxquelles elle a convié les paysan-ne-s des communes environnantes, mais aussi les mouvements paysans, le gouvernement et les autorités et ONG locales. Ces foires ont été l’occasion d’acheter des semences mais aussi de mobiliser les autorités à la problématique de l’accès aux semences ainsi que de promouvoir l’agroécologie dans un contexte de crise climatique.
La dernière foire s’est tenue à Margou Bene, dans la région de Dosso, du 23 au 27 octobre 2022. Durant 5 jours, les stands ont pu exposer des espèces locales souvent sous-utilisées, voire oubliées. Peu coûteuses, elles sont pourtant un allié de taille puisqu’elles possèdent des qualités nutritives élevées et sont très résistantes.
Pour rendre accessible des semences de qualité aux paysannes et paysans de la région, SWISSAID Niger a organisé des foires aux semences. Ici un stand de la foire d’octobre dans la région de Dosso.
Une foule ravie
Zigzaguant parmi les étales, les visiteuses et visiteurs semblent convaincu-e-s. Chaque bénéficiaire a reçu des coupons d’une valeur de 10’000 FCFA qu’il ou elle a pu échanger contre les semences exposées. Pour Mahamadou, un paysan à Dosso, c’était une première. «Je n’ai jamais expérimenté ces variétés. On nous dit qu’elles ont un bon rendement, alors je suis venu acheter et expérimenter. En plus, je trouve les prix accessibles.»
Djibo Bagna, président de la plateforme paysanne du Niger, est venu soutenir l’initiative dont il est convaincu. «Au lieu de demander 4 mois de pluie, ces semences n’en demandent que 2. En plus, ce sont des semences que les gens maîtrisent et qui ne viennent pas de l’extérieur.» Son espoir est que d’autres foires fleurissent ailleurs dans le pays et non pas seulement à Dosso. Le ministre de l’agriculture a lui aussi émis le souhait d’étendre l’accès aux semences en organisant la vente de semences résistantes directement dans les marchés locaux.
Chaque bénéficiaire a reçu des coupons d’une valeur de 10’000 Francs CFA qu’il ou elle a pu échanger contre les semences exposées à la foire.
Moins de dépendance au blé
La foire a aussi été l’occasion de promouvoir l’agroécologie et de promouvoir des initiatives pour réduire la dépendance au blé. Par exemple, des boulangères et boulangers de la région ont participé à un concours des meilleures créations à partir de céréales locales. Ils ont présenté leurs pains et croissants faits à partir de NUS lors du dernier jour de la foire. Parmi 13 participant-e-s, les trois premier-ère-s ont reçu 1’000’000 FCFA (env. 1800 CHF) chacun-e et les autres 500’000 FCFA (env. 900 CHF). En échange, ils se sont engagés à produire des pâtisseries à base de céréales locales à un prix abordable pour les consommateurs-trices.
Les trois gagnantes et gagnants du concours de boulangères et boulangers entouré-e-s de Mahamane Rabilou Abdou, responsable du bureau Niger, et Markus Allemann, directeur de SWISSAID.
Une aide d'urgence qui atteint ses objectifs
«Notre projet d’aide d’urgence a été un grand succès, a déclaré Peter Aeberhard, responsable du programme Niger chez SWISSAID. Cela n’a été possible que grâce à nos nombreux-ses donatrices et donateurs qui ont soutenu le projet. Les habitant-e-s du Niger ont ainsi pu souffler et ont été épargné-e-s par une grave crise alimentaire.»
En chiffres, cela représente:
- 68’894 colis alimentaires distribués, soit 470’000 kilos de céréales, ainsi que du sel et de l’huile
- 9400 familles ont bénéficié de ces colis
- 5500 familles bénéficiaires de semences maraîchères, soit
- 11’400 sachets de 500 g. de compléments alimentaires pour enfants distribués
- Deux foires de semences organisées en mai et octobre, près de 10’400 paysan-ne-s ont bénéficié des semences maraîchères de qualité avec des coupons d’une valeur de 10 000 FCFA chacun.
- Lors de la deuxième foire, organisation d’une conférence de haut niveau sur l’agroécologie ainsi qu’une exposition-vente de biopesticides et biofertilisants
- 436 paysan-ne-s ont reçu une formation en méthodes agroécologiques
- Séances de sensibilisation sur les NUS
- Renforcement des capacités en éducation nutritionnelle et diététiques des communautés
- Formation des Relais Communautaires et points focaux nutrition