Dans une lettre publiée récemment, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation aux Nations Unies, Michael Fakhri, dénonce les exigences qu’imposent aux pays du Sud les 4 pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE), dont fait partie la Suisse. Lors des négociations, l’AELE demande aux pays du Sud à accepter une clause obligeant de devenir membre de l’UPOV, qui, selon le rapport spécial, est en contradiction avec les droits humains et nuit à la sécurité alimentaire.

L’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) est une organisation basée à Genève qui harmonise la propriété intellectuelle des variétés végétales dans le monde. Cette protection ressemble à un brevet, accordant des droits exclusifs sur les obtentions végétales. Pour devenir membre de UPOV, les pays doivent appliquer des lois de protection d’obtention végétale stricte, comme définit dans l’acte UPOV de 1991 (UPOV 91).

Contraire aux droits

La moitié des denrées alimentaires mondiales sont produites par de petites exploitations, surtout dans les pays du Sud. Ces exploitations dépendent des systèmes de semences paysannes, soit les moyens par lesquels les semences sont produites. Le plus souvent, les paysan-ne-s sélectionnent et conservent des semences pour assurer la subsistance de leurs foyers et de leurs communautés. Ils n’ont pas besoin de racheter des semence chaque année mais-les reproduisent sur leurs propres champs.

Or, cette pratique ancestrale risque d’être criminalisée à cause de la clause UPOV contenu dans les accords avec l’AELE. Les paysan-ne-s ne pourront alors plus reproduire leur semence d’année en année, mais seront contraint à acheter des semences coûteuses. Non seulement cela met en danger la vie de ces paysan-ne-s, qui doivent s’endetter pour des semences souvent mal adaptées à leur terre, mais ces accords menacent également la sécurité alimentaire et la biodiversité de toute la planète. «Puisque l’humanité dépend des plantes pour sa nourriture, ses fibres et un écosystème fonctionnel, rien de moins que le droit à la vie n’est en jeu lorsque les systèmes semenciers des agriculteurs sont mis à l’épreuve ou sont mal soutenus», écrit Michael Fakhri dans sa lettre.

Appel à l'action

Actuellement, l’AELE (qui regroupe la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) négocie des accords de libre-échange avec la Malaisie et la Thaïlande. Bien qu’elle-même ne les implémentent pas entièrement, l’AELE demande à ses partenaires commerciaux qu’ils adoptent les règles strictes UPOV 91. Toujours selon Michael Fakhri, ces obligations mettent en péril “la pleine capacité de la Thaïlande et de la Malaisie à réaliser leur obligation de respecter, protéger et réaliser les droits de l’homme, en particulier le droit à l’alimentation.” Dans ces deux pays, l’agriculture paysanne est vitale pour la population.

Depuis plusieurs années, des organisations paysannes et des ONG, comme la Coalition suisse pour le droit aux semences (dont SWISSAID est membre), demandent à l’AELE de retirer cette clause des négociations. Elles soulignent que l’UPOV 91 va à l’encontre des droits inscrits dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.

La Coalition suisse pour le droit aux semences réclame que la Suisse et les autres membres de l’AELE respectent l’avertissement du Rapporteur spécial des Nations Unies et retirent définitivement cette clause des négociations pour protéger les droits humains et garantir la sécurité alimentaire.

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