En juin 2023, la population suisse acceptait largement la loi climat visant à réduire les gaz à effet de serre à zéro d’ici 2050. Les instruments visant à atteindre cet objectif sont en passe d’être définis puisque la procédure de consultation relative à l’ordonnance est à son terme. Engagée aux côtés de paysannes et paysans œuvrant dans neuf pays au Sud, SWISSAID a toujours été persuadée que cette loi est un outil en faveur de plus de justice climatique. Elle permet à la Suisse de réduire son empreinte carbone et de participer à contenir le réchauffement global qui affecte très durement les populations vulnérables au Sud.
Si l’ordonnance va dans la bonne direction, elle manque néanmoins d’ambition et certains aspects doivent être revus. L’astuce-comptable permettant à la Suisse de compenser ses émissions de CO2 en soutenant des mesures de protection du climat à l’étranger pose problème. Exemple avec le Vanuatu, petit archipel de 260’000 habitant-e-s situé au milieu de l’océan Pacifique et menacé par la montée des eaux, en partie provoquée par les excès d’émissions des pays industrialisés : la Suisse va y soutenir le raccordement de nombreux foyers au réseau électrique, alimenté par des installations solaires. Elle pourra en contrepartie diminuer artificiellement son bilan carbone. Une démarche qui dérange, car elle permet à un pays riche d’ouvrir son porte-monnaie pour améliorer son empreinte carbone plutôt que de s’atteler à réduire massivement ses propres émissions de CO2.
Rappelons également que la Suisse a pris des engagements internationaux qu’elle peine à tenir. D’ici 2030, elle devrait ainsi réduire de moitié ses émissions contribuant au réchauffement climatique, par rapport à 1990. Au classement de l’indice de la protection du climat, elle fait figure de mauvaise élève en ne figurant qu’au 21e rang sur une soixantaine de pays responsables de plus de 90% des émissions de gaz à effet de serre sur la planète.
Innover oui, et puis ralentir?
Les innovations mentionnées dans l’ordonnance consistent essentiellement en le développement de nouvelles technologies permettant de réduire les émissions. C’est une démarche importante, mais qu’en est-il d’un encouragement à adopter des modes de transport, de consommation et de production plus durables ?
Alors que le mois de février 2024 a été le plus chaud jamais enregistré en Suisse, qu’une chaleur meurtrière s’est abattue sur le Sahel menaçant de faim plus de 20 millions de personnes, que la Tanzanie est frappée par des pluies diluviennes, et que le mercure dépasse les 48 degrés dans certaines villes d’Asie du Sud-Est, l’heure est à l’action. Rappelons que la Suisse est responsable de l’émission de 14 tonnes de CO2 par habitant-e et par an, dont deux tiers au travers des importations, contre six en moyenne mondiale. Elle doit maintenant prendre ses responsabilités afin d’atteindre les objectifs fixés. Sans s’appuyer sur les pays défavorisés.