Près de 2000 kilomètres séparent Kiev de Berne. Lorsque, en février 2022, Poutine a envahi l’Ukraine, nous l’avons vécu «en direct» dans notre pays. Un choc à peine croyable. La distance entre Kiev et Kiéché n’est qu’environ deux fois plus grande. Pourtant, dans cette commune du sud-est du Niger, beaucoup ignorent encore qu’il y a la guerre en Europe. Ce qui ne les empêchent pas d’en ressentir fortement les effets. «Les prix explosent. Si cela continue, je ne pourrai plus nourrir mes enfants», se lamente Zouera Idrissa auprès de notre personnel sur place. Abdoul Moumouni Seydou est lui aussi inquiet. «Les prix ont presque doublé, c’est une catastrophe.»
Des chiffres alarmants
Des pays comme le Niger sont spécialement touchés. Le taux de pauvreté y est élevé et la faim sévit. Dans de nombreuses régions, l’accès à l’eau potable est limité et les sols sont fatigués. Le pays occupe la 115e place sur 121 du classement 2022 de l’indice de la faim dans le monde. La situation alimentaire est préoccupante dans de nombreux États, la faim étant en constante augmentation. Dans 44 pays, la situation était jugée sérieuse à très sérieuse en 2022.
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Ce constat se confirme par une enquête menée par SWISSAID auprès de 14’000 foyers. Ses résultats sont alarmants: entre 2020 et 2022, un foyer sur quatre était touché par la faim, et deux familles sur trois n’avaient qu’un accès limité à la nourriture. Plusieurs facteurs ont contribué à cette hausse dramatique: la crise climatique à l’origine de sécheresses et de phénomènes météorologiques extrêmes, les conséquences économiques du Covid-19 qui laisseront encore longtemps des séquelles dans les pays vulnérables, les conflits régionaux et, enfin, l’agression russe en Ukraine. Comment expliquer cela? «Mondialisé et interconnecté, notre système alimentaire est source de nombreuses dépendances unilatérales», explique Sabin Bieri, co-directrice du Centre pour le développement et l’environnement (CDE) de l’Université de Berne.
«Les guerres ont toujours d’importantes conséquences sur la situation alimentaire du pays touché car les champs ne peuvent plus y être exploités comme auparavant. Disposant de terres noires extrêmement fertiles, l’Ukraine, tout comme la Russie, fait partie des principaux pays producteurs de céréales au monde. L’impact de cette guerre est donc encore plus important.» De même, des engrais, des carburants et de l’huile végétale sont importés de la Mer noire vers le monde entier. Les pays africains sont particulièrement tributaires de ces importations. La Russie sait en tirer parti: «La faim a toujours été une arme de guerre. Poutine met le monde sous pression et démontre sa puissance», explique Sabin Bieri.
Zouera Idrissa entourée de ses enfants: grâce à SWISSAID, il y a à nouveau suffisamment à manger pour toute la famille.
Soulager à court terme
En février 2022, lorsque la situation politique s’est détériorée, les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, déjà élevés à cause de la pandémie, ont encore grimpé. Cette hausse rapide a eu des répercussions dans le monde entier, y compris à Kiéché, au Niger. Comme pour Zouera Idrissa, qui avait déjà du mal à subvenir à ses besoins et à ceux de ses quatre enfants.
Forte de son ancrage local au Niger et de son expérience dans le pays depuis 1974, SWISSAID a rapidement pris conscience de la détresse de la population. Elle a été l’une des rares ONG à réagir immédiatement en lançant un projet d’aide d’urgence avec ses organisations partenaires. L’été dernier, le personnel local a ainsi distribué des colis alimentaires à 8400 foyers; 25 kilos de riz, des légumineuses, cinq litres d’huile végétale et du sel iodé ont aidé à surmonter la pire des famines.
Une approche pluridimensionnelle
Il est nécessaire de mettre en place des systèmes alimentaires plus durables, davantage interconnectés sur le plan régional et socialement plus responsables, afin d’éviter à l’avenir les dépendances unilatérales vis-à-vis du marché mondial. L’agroécologie, pratiquée depuis des années par SWISSAID dans ses projets, est une méthode qui satisfait à tous ces critères.
Il s’agit d’une approche pluridimensionnelle qui favorise la production locale et promeut l’autonomie des familles paysannes. Elle mise notamment sur des canaux de vente régionaux via des marchés locaux et fait circuler des semences locales, résistantes et adaptées à l’environnement. Les récoltes sont ainsi plus résistantes face aux conditions climatiques. «Avec l’agroécologie, nous nous approchons davantage des objectifs de développement durable de l’ONU», déclare Nicole Stolz, responsable du département de coopération au développement chez SWISSAID. «Elle permet également aux pays du Sud de pouvoir agir et d’être moins dépendants des grands acteurs du marché, et par conséquent moins vulnérables aux crises mondiales.»
SWISSAID ne cesse de démontrer l’utilité de cette méthode. Notamment au sein de l’Alliance Sufosec. L’année dernière, 52’000 familles ont appliqué des méthodes agroécologiques et ont ainsi amélioré leurs moyens de subsistance. D’ici 2024, l’Alliance entend diminuer de 20% la faim et la malnutrition dans ses zones de projets, toujours grâce à l’agroécologie. Ainsi, ce seront près de 100’000 personnes qui n’iront plus se coucher le ventre vide. Il s’agit d’une étape importante pour atteindre un monde sans faim, malgré les guerres et les crises.